Aux sources de la formation syndicale
Entrevue avec Michel Blondin
Au moment de concevoir un cours dans les années 1970, une grande question tourmentait Michel Blondin, responsable de l’éducation chez les Métallos de 1975 à 1989. « Est-ce qu’on prépare bien les gens pour les défis qu’ils vont vivre dans cinq ans ? », s’interrogeait alors celui qui a jeté les bases de l’approche pédagogique des Métallos en formation syndicale.
Cinquante ans plus tard, Michel Blondin peut être rassuré ! Cette approche n’a pas pris une ride et, aujourd’hui encore, elle guide la formation syndicale !
L’approche s’articule autour de deux principes fondateurs : la formation par les pairs, qui permet à des travailleurs et travailleuses d’en former d’autres, et la conscientisation, une démarche où les apprentissages se font à partir du vécu des participant.e.s. À cela s’ajoute : « une pédagogie active qui mise sur l’interaction entre les participants, avec des techniques d’animation comme des jeux de rôle, des analyses de cas, des ateliers, etc. », explique Michel.
Diplômé en travail social, Michel Blondin a d’abord œuvré à titre d’organisateur communautaire dans Saint-Henri, berceau de plusieurs usines métallos. Il est ensuite devenu coopérant en Bolivie, où il s’est initié aux méthodes d’alphabétisation populaire du grand pédagogue brésilien Paolo Freire. Il s’en inspirera pour mettre en place le système d’éducation chez les Métallos.
De retour au Québec en 1975, Jean Gérin-Lajoie le recrute… après une longue et savante inquisition de six heures pour s’assurer qu’il n’a pas affaire à un marxiste-léniniste. Le directeur québécois des Métallos souhaite multiplier les formations syndicales en faisant appel à des travailleurs et travailleuses comme formateurs et formatrices. Jean Gérin-Lajoie confie alors à Michel Blondin le mandat de l’éducation.
Synergie au sein de la FTQ
Michel Blondin prend alors trois mois pour faire le tour des régions. « Jean a eu la sagesse de me donner le temps de comprendre les métallos, d’en apprendre davantage sur l’image qu’ils avaient de l’école, sur les traditions syndicales, l’histoire et les pratiques syndicales », se rappelle-t-il.
Le responsable du service de l’éducation de la FTQ, Jean-Pierre Bélanger, dont le mandat était semblable au sien, lui propose de faire équipe. Un comité formé des principales personnes affiliées à la FTQ est mis sur pied. Il a pour objectif « d’élaborer un seul cours de délégués » pour tous les syndicats affiliés.
Inspiré par les méthodes de Paolo Freire, Michel Blondin insuffle alors à ce comité une idée radicalement différente des cours magistraux qui caractérisaient la formation de l’époque : « On a choisi de miser dès le départ sur l’interaction avec les gens, de partir de leur vécu pour aller tranquillement vers ce qu’ils connaissent moins », explique-t-il.
Le premier défi sera la formation des formateurs syndicaux. Le Québec prend une autre tangente qu’au Canada anglais, où les syndicats optent pour une formation de six mois avec une professeure d’université. « Ça menait à un cul-de-sac », relate Michel Blondin. « C’est là qu’on a inventé le cours de formateurs. » Le pari est réussi : en planifiant et en donnant des formations sur une période d’une semaine, les futurs formateurs sont directement plongés dans l’action, tout en tirant parti de l’encadrement de Michel Blondin, qui sera plus tard épaulé par un encadreur.
Aussitôt le cours établi, Michel Blondin s’attaque à la mise sur pied d’une formation en santé et sécurité qu’il lance peu de temps avant la toute nouvelle Loi sur la santé et sécurité du travail de 1977. « [Le ministre] Pierre Marois s’était laissé convaincre par [le métallo] Émile Boudreau de créer la Loi sur la santé et sécurité du travail » avec ses comités paritaires et ses mécanismes de prévention», se rappelle-t-il. « Il fallait former notre monde ! »
Pour la petite histoire, après le premier cours, « des participants sont revenus gonflés à bloc et ont fait fermer [leur] shop en exerçant un droit de refus ! » Le cours sera ensuite donné au sein de la FTQ pour les secteurs prioritaires.
Un cadeau de vieillesse
Michel Blondin constate les effets bénéfiques de la méthode qu’il a développée. « Cela a augmenté la loyauté et le sentiment d’appartenance envers la FTQ et le Syndicat des Métallos » et aidé, pense-t-il, à consolider la toute jeune centrale syndicale. « Avant, c’était surtout les directions qui se parlaient. Avec la formation syndicale, des liens plus opérationnels se sont développés. » Mais l’effet le plus important à ses yeux se retrouve assurément chez les militant.e.s : « La formation révèle leur potentiel et leur donne les outils pour le développer. » C’était vrai jadis, et ce l’est tout autant aujourd’hui !
L’approche de Michel Blondin est encore bien vivante, et ce dernier y voit un « cadeau de vieillesse ». Pour lui, il s’agit d’un « privilège de voir qu’une chose qu’on a mise en place continue encore aujourd’hui et est encore pertinente ».
* Cette entrevue est tirée du dernier numéro du magazine Le Métallo, disponible en ligne ici.
Pour lire la suite:
Délégué.e: Mode d'emploi (incursion dans une formation Métallo)
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