Le défi de la francisation
Le Québec a accueilli près de 60 000 travailleur.euse.s étranger.ère.s temporaires (TET) en 2023, soit 8 fois plus qu’en 2017. Bon nombre sont confronté.e.s à l’immense défi de la francisation.
Selon une récente étude du commissaire à la langue française (CLF), environ 59,8 % des participant.e.s au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) ne parlent pas le français. Cette proportion descend à 34,6 % si on exclut les travailleur.euse.s agricoles et les aides familiaux et familiales, ce qui correspond davantage au profil des TET dans les milieux de travail métallos. C’est notamment le cas pour plusieurs métallos TET originaires de pays d’Amérique latine ou encore des Philippines.
Pour un.e nouvel.le arrivant.e qui n’a pas de base en français, on estime qu’il faut environ 1400 heures de cours afin d’atteindre un bon niveau, toujours selon l’étude du CLF.
Les employeurs « peuvent avoir tendance à sous-évaluer la quantité de travail nécessaire pour apprendre le français », observe Benoît Dubreuil, qui ne trouve pas réaliste de penser y arriver en consacrant seulement six ou sept heures par semaine à son apprentissage, en parallèle du travail.
Celui-ci préconise une formation en francisation qui commencerait au pays d’origine, avant l’arrivée au Québec, pour les futur.e.s travailleur.euse.s étranger.ère.s temporaires.
Quelle que soit la formule retenue, une chose est certaine : l’apprentissage du français n’est pas une option en milieu de travail.
« Le droit de travailler en français, c’est un droit garanti par la Charte de la langue française », souligne le directeur québécois des Métallos, Dominic Lemieux.
Il invite les sections locales à négocier des cours de français pour les TET en milieu de travail, payés par l’employeur pendant les heures de travail.
Persévérance et détermination
Lorsqu’il s’est inscrit à des cours de francisation il y a une dizaine d’années à la commission scolaire, le soudeur-monteur d’origine costaricaine Ronald Carvajal était en compagnie de 22 autres étudiant.e.s, principalement des travailleurs.euse.s étranger.ère.s temporaires. Aujourd’hui, il y a plus de 1000 personnes inscrites à des cours de français dans la région, selon M. Carvajal, qui a obtenu sa citoyenneté récemment et s’implique comme trésorier de la SL 9471 chez Manac.
Le parcours de francisation, essentiel pour l’accès à l’immigration permanente, n’est pas toujours adapté à la réalité des TET. « À l’école, on te montre un vocabulaire différent de celui utilisé dans le langage industriel. Ce n’est pas facile non plus d’aller à l’école de jour quand tu travailles de soir. J’ai eu la chance d’être sur le quart de fin de semaine, ça m’a donné la possibilité d’aller à l’école la semaine », a-t-il expliqué lors de sa participation à une table ronde de la Journée des comités de francisation. Il constate que l’apprentissage du français est aussi plus difficile durant le quart de nuit lorsqu’une majorité de travailleur.euse.s ne parlent pas le français.
Pour Ronald Carvajal, une formation accélérée d’un mois à l’arrivée des TET au Québec, payée par l’employeur, permettrait de lancer l’apprentissage, avant de poursuivre ensuite à temps partiel sur les lieux de travail.
* Cet article est tiré du dernier numéro du magazine Le Métallo disponible en ligne***